Sous la direction de Recep Tayyip Erdogan, la Turquie est redevenue une puissance régionale majeure à la croisée de l’Europe et de l’Asie. Son virage vers les BRICS devrait inquiéter l’Occident.
Ces dernières années, la Turquie a intensifié ses relations diplomatiques et économiques avec les pays membres des BRICS, des nations émergentes à forte industrialisation qui suscitent l’inquiétude en Occident par leur capacité à modifier l’ordre mondial établi depuis la Seconde Guerre mondiale.
La diplomatie audacieuse menée par Erdogan suscite des questions parmi ses alliés traditionnels quant à la vision stratégique à long terme de la Turquie. Les BRICS, qui représentent aujourd’hui la moitié de la population mondiale et plus de trente pour cent du commerce international, sont probablement l’avenir et s’avèrent déjà incontournables, comme en témoigne la récente visite d’Antonio Guterres à Kazan fin octobre. Dans ce contexte, la Turquie, dont l’économie a connu un ralentissement après une période de prospérité dans les années 2000, pourrait voir dans ces nouveaux alliés puissants une opportunité pour diversifier ses marchés et, pour Ankara, réduire sa dépendance aux marchés européens, avec lesquels elle entretient parfois des relations tendues.
Vers la Chine aussi
En parallèle, et comme en témoigne le développement de ses relations commerciales avec la Chine, la Turquie cherche à attirer des investissements provenant de ces pays, particulièrement dans le secteur du tourisme et des technologies.
En rejoignant les BRICS, la Turquie renforcerait sa position sur la scène internationale et s’inscrirait dans l’agenda des membres actuels visant à créer un nouvel ordre mondial multipolaire et dédollarisé. Dès lors, la question de ses relations diplomatiques avec l’Occident, en particulier avec les États-Unis, se pose. Déjà critique à l’encontre de la politique de ses anciens alliés, ainsi que de celle de l’OTAN, le président turc n’hésite plus, depuis la tentative de coup d’État de 2016, à afficher publiquement ses réserves face à la domination américaine. En s’appuyant sur les BRICS, la Turquie pourrait trouver de solides soutiens pour aborder des dossiers sensibles, tels que la question kurde ou les tensions en Méditerranée orientale.
Neutralité active
Si la stratégie de la Turquie semble claire et que son rôle de neutralité active pourrait lui permettre de jouer un rôle clé dans les négociations internationales, la question reste de savoir si ce “flirt” avec les BRICS sera réciproque. Si les relations entre Moscou et Ankara, ainsi qu’avec Pékin, sont au beau fixe, qu’en est-il de l’Inde et du Brésil, qui pourraient voir dans l’arrivée de la Turquie un concurrent potentiel ? Et que dire de l’Afrique du Sud, qui risquerait d’être reléguée au second plan, dans le groupe des pays suiveurs plutôt que parmi ceux qui façonnent l’histoire.